121 : Lundi 14 lévrier  2022  

Chim, mon bon maître, part vider la poubelle. Quel instinct immonde (ou quelles injonctions conjugales incontournables ?) le pousse-t-il à faire cela tous les soirs ? Y rencontre-t-il d’autres maris pour je ne sais quel bal satanique ? 




Nota. Poubelle, monstre vorace à qui les humains apportent le soir, en signe d’adoration, des nourritures encore utilisables. Elles se rassemblent en troupeau autour d’un chef, appelé container (ou l’Avaleur intrinsèque) que de courageux chasseurs municipaux, les Eboueurs, capturent très tôt le matin pour les mener à une fourrière appelée décharge

 

Chim, mon bon maître dégoûté, avance  vers l'abominable monstre container, tenant au bout de son bras tendu au maximum, une offrande faite de restes de harengs marinés et juteux.              Le soleil sanglant a disparu derrière le Frioul, la Pointe Rouge est d’un noir d'ébène, le Mont Rose d'un violet outrepassé, le Roucas Blanc ne l’est plus. Le sombre monstre n'est pas loin. 

 

Chim, mon bon maître écoeuré, guidé par on ne sait quel odorat, s’approche du troupeau monstrueux des poubelles. Certaines baillent, laissant dégouliner d’alléchants reliquats. D’autres, renversées, gardent leurs crocs ouverts, comme autant de pièges (elles aiment, pour attirer leur proie, se déguiser en gros jouets d’enfant en plastique de couleurs vives). D’autres, éventrées, témoignent d’anciennes luttes avec les rats. Mais qu'importe, pour moi il vaut mieux une poubelle bien pleine qu'une poubelle bien faite, comme disait Rat-belet (ou rat-belette ?).


Nota. Paquets, sacs, cartons, boites, poches en papier-journal entourent les poubelles comme si des âmes pieuses avaient disposé des cadeaux autour d’un sapin de Noël.   D’ailleurs, toutes les âmes pieuses du quartier bénissent en choeur nos bons éboueurs. Vu les précautions prises pour  capturer une poubelle (ils se mettent à quatre pour en capturer une) on voit bien que c’est une opération  dangereuse. Peut-être est-elle armée (d’ailleurs, le mot "décharge" s’emploie aussi pour un fusil ). Autre preuve du danger encouru : les éboueurs viennent quand il fait encore nuit, les poubelles dorment encore (mais pas les humains qui tentent de se rendormir après). Souvent, pour les prendre à revers ils passent  par la grève qui longe la plage de la Pointe rouge, très souvent même ils renoncent à la lutte : ils appellent ça «faire grève»  (merci Cad pour l'éclaircissement). Cela explique ces tas de paquets cadeaux à chaque carrefour, qui servent de décors à "Poubelle" la vie, ce feuilleton marseillais dont l’odeur a fait le tour du monde. 

 

Chim, mon maître nauséeux, est maintenant face au container, prêt au sacrifice. Il projette dans sa gueule, aussi avide que le haut-fourneau d’une infâme aciérie, ses appétissants harengs. Quelques insectes cafardeux fuient en maugréant, mais les rats applaudissent à ce beau geste.


Alors là, je n’y tiens plus. Un chien ne peut pas lutter contre son destin de chasseur.  Tel Don Quichote après sa 3ème bouteille de Moulin à vent (grand cru bourguignon)  je plonge dans le gargantuesque container, disperse divers prédateurs, lape au vol un restant de choucroute pour reprendre force, émerge jusqu’aux oreilles, replonge, écarte un énorme rat couinant, et triomphant, récupère les harengs pour les rapporter à Chim (mon bon maître), histoire de lui apprendre à ne pas faire de sacrifices aux idoles, mais plutôt les donner à Cad (son bon chien). Je fini à toute allure les harengs parce que mon bon maître a l’air de vouloir me les reprendre et je me roule dans le bon jus. 

 

Chim (mon maître penaud) retourne à la maison. Jamais il n’était rentré si tard des poubelles. Mais on n’en est pas à une heure près quand il faut faire le tour du quartier, pour, disait-il, perdre ma belle odeur de saumure. Et, comme il est bien tard, peut-être échapperai-je à la douche. 

Et  vous savez quoi ? Un chien ne peut pas lutter contre son destin. Claire, après le bain, m'a même inondé de patchouli. C'est ça qu'on appelle l'odeur de sainteté ?

 

A Ouaouh !

Commentaires

  1. Archi-Mède, vivant dans le quartier odorifère et raffiné de La Mède ( non, non, il ne manque pas un r) l'a théorisé : "le hareng sort du container lorsque les poux bêlent"

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    1. Non, ça ne manque pas d'air ce dit Archi-Mède, c'est génial !... Il a ajouté : " Tout corps qui plonge dans la Mède manque d'air" (extrait de ses Mémoires d'Arenc)

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    2. Non, ça ne manque pas d'air ce dit Archi-Mède, c'est génial !... Il a ajouté : " Tout corps qui plonge dans la Mède manque d'air" (extrait de ses Mémoires d'Arenc)

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    3. Il faut bien l'avouer et c'est connu l'or dur a toujours attiré la convoitise des contenairs. de la à thésauriser les fumées (... ets) dégagés par nos amis harengs...

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    4. d'ailleurs, disait Archi-Mède, à Marseille on n'a que deux directions : soit du Merlan jusqu'à la Mède, soit d'Arenc jusqu'à la Rose

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    5. d'ailleurs, disait Archi-Mède, à Marseille on n'a que deux directions : soit du Merlan jusqu'à la Mède, soit d'Arenc jusqu'à la Rose

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    6. d'ailleurs, disait Archi-Mède, à Marseille on n'a que deux directions : soit du Merlan jusqu'à la Mède, soit d'Arenc jusqu'à la Rose

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