42 : Lundi 15 juin 2020

    «  Des tortues et des chiens » ou  " Méditations sur les tortues et autres bestioles ".

     Dans le parc du Chateau Pastré (bastide où vécurent pendant la guerre la harpiste Lili Laskine et la magnifique pianiste Clara Haskil ) j’ai rencontré aux abords d’une mare un être  en forme de demi-ballon de rugby en cuir dur de 45 cm de long (en mesures humaines, soit 1 coudée et demie de chien moyen) sur 30 cm. J’ai commencé à courir autour en cercles bruyants, pour annoncer à Chim que j’avais trouvé le repas de midi, mais qu'il fallait venir m’aider à le décapsuler, car où étaient l’avant, l’arrière, la queue et les pattes ?

       D’un bout insoupçonné de l’objet jaillit  une petite tête vipérine irritée. Je fis un bond en retrait. Je n’ai pas connu ma mère (encore moins mon père !), mais ils m’ont légué ataviquement le principe de l’attaque audacieuse et de la prudence intelligente. J'ai donc, intelligemment, battu en retraite, pour pouvoir mieux, audacieusement, contre-attaquer.
     Chim m'a rassuré, ce qui a renforcé mon courage naturel. Il m’a entrainé au loin, disant que l’adversaire, sans être dangereux, était, de par sa carapace émergeant de l’herbe comme un ilot rocheux,  invincible. Cette coque en berceau, ajouta-t-il, c'est son bercail.

      Et moi de méditer sur le sens du mot bercail. Est-ce une maison ? Mais non, car on ne peut pas dire « J’ai acheté un petit bercail en bord de mare » ou bien « J’ai loué un bercail pas cher vers Pastré » Alors, est-ce un lieu immatériel ? Peut-être : je crois que ça signifie «Asile où on peut rentrer sa tête et ses pattes et défier les chiens et la pluie »

      

        En fait, dans le bercail du Maître (sa maison), j’ai plein de bercails perso : ma niche (l’ex Chibotière, du nom de mon prédécesseur), et aussi l’endroit rassurant où je dors le soir en cercle fermé (ma Ronronnière), sans compter des points stratégiques protégés : (la grille de ventilation planquée derrière le frigo, qui donne sur la rue, mon Cadoscope d’où je vois passer les mollets des passants, et qui lorsque j’aboie brusquement pour faire sauter les dits  mollets devient mon Cadophone. J'ai aussi le haut de l'escalier du jardin pour surveiller mes plantations et contrôler tout l'étage. Depuis tous ces bercails, je peux défier les étrangers et les laisser dehors errer à leurs oeuvres perverses et aux intempéries. 

     Je comprends que l’ile sera toujours le symbole d'un lieu inexpugnable qui rend insolent (parce sous un casque de cuir on ne sait pas par quel bout nous saisir), arrogant (car  tous les autres deviennent des "étrangers"). Insulaire, insolent : Tout à fait comme sont les tortues, et les Anglais qui ont inventé le rugby,  le casque de rugby, et qui,  isolationistes, ont  abandonné l’Europe à ses oeuvres perverses et aux intempéries.
                                 

                           Si j’étais vêtu en tortue, moi aussi, je sens que je serais arrogant. Ou ridicule.

                                                       A Ouaouh !!!