Ce matin, j’ai eu très peur.
Je vagabondais sous la garrigue, dans les sentiers haut-perchés de Marseilleveyre. J’avais soigneusement rangé mon maître sur un chemin balisé où il ne pouvait pas se perdre.
Bref j’étais heureux, détendu. Je suivais vaguement l’odeur d’un lapin qui lui-même sentait le thym (je les aime, ceux-là : on a l’impression de croquer dans un bouquet d’herbes de Provence). Un sentier, c’est fait pour sentir, non ?
Soudain, tout prés de moi, derrière le tronc d’un chêne, j’entendis une voix qui murmurait
« Oui, je suis ton lapin, je suis ton lapin ! »
Je frémis, imaginant le spectre d’une de mes victimes : un Géant des Flandres, yeux rougis, lèvres troussées sur des incisives tranchantes, glaive en patte....... La terreur me fit faire un bond en avant !
Une dame était assise contre le tronc. Elle tenait en main cette étrange boite qui fait parler les humains et qu’ils appellent « un portable »
La dame répéta, à son interlocuteur invisible « Oh oui, dis-le moi encore que je suis ton lapin ». Le zigoto lointain, docile, répéta. Elle conclut, avant de raccrocher : « Toi aussi, tu es mon lapin. Mon gros lapin. Je t’aime »
Moi aussi, j’aime le lapin, mais je n’éprouve pas le besoin de le clamer dans la garrigue. 
Les humains ont des portables, qu’ils utilisent sans arrêt. Ils se croisent dans les rues, dans les sentiers. Ils oublient de se voir, de se saluer. Ils entendent des voix, ou parlent, comme dans le vide. On dirait qu’ils s’appellent les uns les autres, comme ça, sans raison, pour la seule raison qu’ils peuvent le faire. Et en plus, le plus souvent ils ne s’entendent pas. Et ils semblent très isolés.
Certains, pour mieux entendre, se mettent de gros écouteurs.
Nantis de ces oreilles surdimentionnées, on dirait des lapins
Voir si ça marche
RépondreSupprimerJe connais pas mal d'humains qui ont connu Lapin dicite, il parait qu'il n'est pas marrant celui là !
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